"Je travaille sur un killer project mais tu comprends, je ne peux pas t'en parler."
Arrêtez tout de suite, c'est mort.
Non, je ne comprends pas.
Je ne connais encore personne qui se soit jamais fait "voler" une idée.
Je connais quelques cas de deals d'associés qui ont mal fini, mais ça n'a finalement rien à voir avec le secret.
Je connais beaucoup de cas d'entrepreneurs gardant si bien leur secret qu'aucun client n'en a jamais entendu parler...
Rappel : une idée seule ne vaut rien
J'ai déjà détaillé ici qu'une idée seule, même excellente, ça ne vaut rien. C'est la mise en oeuvre qui fait 95% du succès.
Rappel : un entrepreneur seul ne vaut rien
Le sujet est rebattu par tous les blogueurs, allez voir un peu ici et surtout là -deux excellents blogs soit dit en passant. Je n'ai rien à ajouter.
Bien, il est donc temps de partager votre bébé-idée avec de vilains inconnus...
Personne ne vous volera votre idée
"Oui mais elle est trop simple..." "oui mais on va me la prendre..."
Seuls ceux qui n'ont jamais lancé un projet ont peur de se faire prendre une idée. Ceux qui sont déjà passés par là savent la montagne d'énergie que ça nécessite, et savent aussi que cette énergie ne s'improvise pas.
Si jamais vous croisez dans votre networking une personne aussi motivée
que vous par ce projet, la pire des choses qui risque de vous arriver
est qu'elle vous propose de vous aider !
Testé et approuvé, mon premier projet de création est mort en 6 mois
sous le poids du secret. Rassurez-vous, personne n'en a jamais rien su !
C'était il y a 2 ans, une idée très simple, rentable à mon avis,
évidemment complètement 'maintenant ou jamais'... sur un marché finalement
toujours disponible !
Pourquoi en parler ?
D'accord, il n'y a pas de risque de se faire voler l'idée, mais à quoi ça sert d'en parler ?
- à roder votre discours
Un jour, c'est certain, vous devrez en parler. Pour trouver des
clients, des associés, des investisseurs peut-être... Ce jour-là, soit
vous êtes parfaitement incisif, soit c'est fini.
J'ai présenté mon projet un bon millier de fois en 8 mois, la plupart
du temps de manière très informelle, quasiment jamais deux fois avec
les mêmes mots. Résultat : mon fameux "elevator pitch" est maintenant parfaitement rodé pour chaque catégorie.
- à challenger votre business plan
Ce qui est fatigant quand on est sur d'avoir le projet du siècle, c'est
que le reste du monde n'y croit pas. Même si ces dinosaures
ne méritent que votre mépris de génie novateur, ça peut quand même
avoir un intérêt d'écouter leurs contre-arguments, surtout si ce sont
futurs clients potentiels...
Produit/service, prix, utilisateurs, payeurs, communication,
estimations. Avez-vous pensé à tout ? même à ce que vous connaissez le moins ? vos ordres de grandeur
tiennent-ils la route ? Vous avez surement autour de vous des amis ou
des collègues suffisamment perspicaces/sceptiques/jaloux pour vous
poser les bonnes questions.
Parler de son projet, c'est valider les "chemins de moindre résistance"
à force de le lire dans les yeux de vos interlocuteurs, c'est aussi
mesurer le chemin d'évangélisation à parcourir si vous avez choisi
d'innover.
Ca peut même aller plus loin. J'ai eu l'occasion de passer plusieurs
demi-journées avec des personnes rencontrées la veille, nettement plus
expérimentées que moi, et ravies de me faire 'passer sur le grill' pour
voir jusqu'où mon projet tenait la route. Quelques heures pendant
lesquelles la maturité du projet fait un bon. Gracieusement évidemment.
- à découvrir en profondeur le marché et les concurrents
Bien entendu ( quoique...), vous avez fait une superbe étude de marché.
Mais il y aura toujours des trous, parfois des gouffres, que des
rencontres de passage viendront combler sans le vouloir.
- à rencontrer des partenaires possibles
C'est très difficile de trouver un investisseur, encore plus de trouver
un associé. La meilleure méthode à mon avis est de ne pas vraiment en
chercher, ou plutôt d'en chercher en permanence, pour plus tard. Parler
de son projet, c'est repérer les étincelles dans les yeux de vos
interlocuteurs.
- à tester votre motivation
Pour arriver à parler 1000 fois d'un projet sans péter les plombs, il
faut non seulement y croire, mais aussi y prendre du plaisir...
- à vous faire aider, tout simplement
Les entrepreneurs ne sont pas des rapaces morts de faim prêts à se jeter sur la première idée venue, mais plutôt des gens ouverts et passionnés souvent disponibles pour donner un coup de main à un de leurs congénères.
Testez, vous serez surpris.
Parlez-en, mais ne dites pas forcément tout
Evidemment je ne dis pas tout. En particulier parce que ça saoulerait beaucoup trop de monde...
J'en dis juste assez pour éveiller
la curiosité, assez pour qu'on se souvienne de moi ou de mon projet,
assez pour révéler les interlocuteurs intéressés.
Ce que ça fait, combien ça coute, combien je facture, qui ça
concerne... ça c'est mon pitch standard, déroulé 1000 fois en 10 mois.
Jusqu'où va le potentiel du projet, quelles sont les déclinaisons
possibles... il faut déjà qu'on me le demande sérieusement, disons 100
fois en 10 mois.
Comment je les touche, pourquoi ça marche, pourquoi les autres y
arrivent moins bien... C'est là que réside la vraie valeur de mon idée.
50 fois maximum. J'ai convaincu des associés potentiels de bosser 10
jours sur mon cahier des charges sans même évoquer ça.
Parlez-en, mais pas forcément à n'importe qui.
Ouvrir une page web ouverte à tous qui détaille tout votre projet ? non, évidemment.
N'en parlez à quelqu'un que si vos pensez que ça peut apporter quelque chose :
- un avis
- un rebond vers une rencontre improbable
- un partenaire
- un prospect
Une fois de plus, le networking est capital. Ma préférence va nettement
pour les rencontres improbables de speed networking, tête à tête
rapides et incroyablement efficaces.
En parler sur son blog, oui, mais dans la dernière ligne droite avant le lancement -ça approche lentement mais surement dans mon cas, enfin ! :-)
Poser le dossier sur le bureau d'un futur concurrent, installé depuis 10 ans ? attention.
Ce concurrent, c'est d'un côté une montagne de retour d'expérience qui peut vous être utile,
et d'un autre côté, cette fois-ci, l'un des acteurs les plus à même de
s'approprier votre idée ( ceci étant, ne négligez jamais les
résistances au changement des acteurs historiques, c'est leur première
cause de mortalité).
Prudence donc... de mon côté j'ai transformé un concurrent potentiel en
partenaire sur un de mes projets, et pas osé pousser les portes sur un
autre.
Poser le dossier sur le bureau d'un futur concurrent, en lancement lui aussi ? Et pourquoi pas ?
Une nouvelle fois je vais contre les idées reçues, mais je suis
persuadé que c'est une bonne chose de le faire. Le monde des grands que
vous affronterez ensuite est déjà suffisamment méchant pour ne pas en
plus vous battre entre "petits"
- si le feeling est bon vous avez un associé tout trouvé
- si le feeling n'est pas bon, l'ego et les oeillères de la plupart des
entrepreneurs sont tels qu'il y a fort à parier que votre interlocuteur
ne reprendra pas un mot de vos idées.
Je ne nie pas qu'il y ait petit risque, mais il y a à mon avis beaucoup
plus à gagner qu'à perdre. Souvenez-vous, c'est la mise en oeuvre qui
fera la différence !
Qui a dit contrat de confidentialité ?
J'ai un peu honte quand je repense que j'ai fait signer à la première agence web à qui j'ai transmis mon cahier des charges un superbe contrat de confidentialité. En pleine confiance mutuelle et sans mauvaise intention, mais bon, "tu comprends, cher associé potentiel, c'est une idée simple... n'importe qui pourrait... je ne peux pas prendre le risque... bla bla bla".
10 mois plus tard, et 1000 pitchs plus loin, vous comprendrez que j'ai changé de méthode.
Il y a peut-être des cas où c'est valable, mais certainement pas dans une innovation de service.
La palme
La palme revient à une femme entrepreneur ( une entrepreneuse ?) croisée dans une soirée de speed networking web assez branchouille en mars 2009. Objectif affiché de la soirée : networking sur des projets concrets en cours de réalisation.
Madame LaPalme : " je travaille sur un projet perso top secret dans le monde du luxe, tu comprends, désolée, mais je ne peux pas t'en dire plus".
Dehors !!! tout de suite !