J'ai l'impression que nous ne le dirons jamais assez : nous sommes ici pour travailler !
De mon côté, ça n'a pas exactement la forme du travail que vous avez, mais c'est du travail... en fait la principale différence est que je ne suis pas payé.
Je vous ai sans doute convaincu avec l'article sur le boulot de deinki, ce sera un peu plus dur moi, car plus virtuel...
On va commencer par ce que je suis venu faire. Ce qui suit va peut-être virer à l'introspection nombriliste, ou au petit ingénieur trop généraliste qui se pose beaucoup de questions, mais je sais que beaucoup autour de moi se posent les mêmes, alors j'ose...
Reprenons au début. Côté boulot, j'ai décidé de faire un break d'une part parce que je pensais avoir fait un peu le tour de mon précédent job, mais surtout parce que j'avais des fourmis de création d'entreprise qui me chatouillaient les neurones tous les matins.
En regardant d'un
tout petit peu plus près, je me rends compte que mes études m'ont cablé
depuis 10 ans (peut-être 20 en fait) pour avoir un parcours
professionnel bien standardisé. Une belle école ingénieur m'a ouvert en
même temps les portes de la physique nucléaire et des banques
d'affaire. Elle m'a offert indéniablement une liberté phénoménale,
qu'est-ce que j'en ai fait ?
Combien de temps ai-je passé à me demander posément ce qui m'intéressait réellement dans tout ça, tout au fond de moi, indépendamment des pressions
marketing de RH bien affutés et de la sécurité de suivre la meute ?
Combien de temps ai-je passé à tenter de déchiffrer comment je pourrais
associer mes valeurs, mes passions, ce que je veux transmettre autour
de moi, et mon travail ?
Honnêtement, pas bien longtemps... J'ai
taillé les grands axes de mon parcours à la serpe, en prenant un peu ce
qui se présentait (j'exagère un peu, mais pas tant que ça). Je ne
regrette pas mes choix, parce que d'une part j'en étais très content
sur le coup et que d'autre part ils m'ont permis de vivre des
expériences fondatrices pour ma réflexion aujourd'hui. Je ne regrette
pas non plus de ne pas avoir pris plus tôt le temps de l'introspection,
parce que prendre du recul dans le brouillard n'aide pas vraiment à
mieux se repérer...
Bref, le brouillard s'éclaircissant peu à peu, je me suis rendu compte de quelques besoins vitaux. Besoin d'apprendre -depuis 2 ans, c'est une heure de guitare par jour comme fonds de roulement-, besoin de créer -étrange coïncidence que je sois si heureux avec mon artiste préférée...-. On ne se refait pas complètement, ma création à moi sera du côté entrepreuneurial. Pas un monstre, plutôt une petite équipe autour d'un projet un minimum innovant.
Le problème dans ces cas-là, c'est qu'il convient en général d'avoir soit une expertise très particulière à mettre au service de quelqu'un d'autre, soit une idée plutôt originale et un minimum aboutie. Je ne me considère pas comme un expert, mais j'avais des idées -enfin des embryons d'idées-. Au bout de six mois à Paris incluant un lancement avorté, il me semblait clair que je n'avais absolument pas la disponibilité d'esprit pour prendre le temps d'analyser ces idées.
Il n'y a donc pas 15 solutions : il faut prendre le temps, et ce dans les conditions les plus "légères" possibles pour que la tête s'ouvre en grand. Dans mon cas, ça voulait dire quitter mon travail, faire table rase de mon agenda, trouver un endroit tranquille bien connecté, et me triturer le cerveau. Le résultat n'est pas garanti, mais au moins j'y aurai mis les moyens.
Déjà à ce stade de ma réflexion, je suis preneur de vos recettes et
commentaires si vous en avez ! ainsi que de retours d'expérience de
gens qui arrivent vraiment à mûrir un projet en gardant leur boulot. De
mon côté, je crois que non seulement je ne sais pas faire, mais en plus
je n'en voyais pas vraiment l'intérêt. C'est là une autre donnée
importante du problème, sur-estimée par beaucoup à mon avis : le risque.
Je
n'ai pas d'enfant, pas d'emprunt, et un métier dont la demande est en
croissance ininterrompue (chef de projet en SSII). Quels sont les
risques de faire un break de six mois ? à mon avis, aucun. Je sais que
c'est une grande chance, une chance que j'ai créée en partie mais qui
est loin d'être offerte à tout le monde. J'en profite.
Du côté du financement, il est certain que ça ne s'invente pas. Pour faire simple, je peux dire que depuis le milieu de mes études, je suis perpétuellement en train de me préparer financièrement un break de 6 mois à un an (le premier était en 2003). Ca signifie faire un peu attention tous les jours et ne pas se mettre trop d'engagements long terme sur le dos. Pour fixer les idées pour ceux qui se posent la question, un an en itinérant, c'est 15000 euros, 6 mois de break en sédentaire dans un pays ni trop riche ni trop pauvre, c'est 3000 euros, tout compris.
Une fois que la
décision du break est prise, reste à choisir où aller : se maintenir au
plus près de son réseau pour faire mûrir les idées ? s'isoler pour
faire le vide et gagner en recul ?
Financièrement, nous n'avions pas
trop le choix, il fallait qu'on s'installe dans un pays où le temps
"passait moins cher", au moins pour le temps d'analyse des projets. A
posteriori, je pense que le calme que j'y ai gagné est vraiment
salutaire :
- Aucun rendez-vous, un agenda vierge du lundi matin au
dimanche soir. Ca signifie que je peux cogiter non stop pendant tout ce
temps-là (et c'est le cas).
- Toutes les routines changent, c'est
l'occasion de se créer de nouveaux besoins et de prendre du recul sur
les anciens, c'est assez vital en période de "chasse aux papillons"
d'idées d'entreprises.
- Comme les proches sont loin (parents ou amis), leur inquiétude/incrédulité face à vos décisions le sont aussi...
Ce dernier point
est loin d'être anodin. Un break comme celui que nous faisons n'est pas
vraiment naturel pour la génération précédente, ça ressemble assez vite
à une fuite, peut-être une démission, en tout cas une aventure risquée.
C'est capital pour moi d'expliquer à ma famille que c'est exactement le
contraire, mais c'est difficile de le faire a priori. Le
"retour sur investissement" est indéniable à mon avis, mais c'est bien
difficile de le quantifier. Si je repars d'ici ne serait-ce qu'avec une
vision claire d'une orientation professionnelle qui serait plus que
seulement satisfaisante, c'est déjà beaucoup ! (les destinataires de ce
message subliminal se reconnaitront !)
Pour mes amis, les
commentaires sont différents mais la pression est là quand même. Il se
trouve que presque personne dans mon entourage proche n'a fait ce genre
de choix, beaucoup en ayant fait de radicalement différents. J'en
entends encore certains me demander depuis 5 ans quand je vais me
mettre à travailler... Ca fait sourire sur le coup, mais à la longue et
surtout dans les moments de doute, cette -petite- différence n'est pas
toujours facile à assumer.
Pour résumer ce pour quoi je suis venu ici, je dirais simplement que le fleuve coule tous les jours, avec ou sans notre barque d'ailleurs. Il est bon d'accoster de temps en temps pour bien regarder d'où l'on vient, et où l'on va. (je suis en pleine lecture bouddhiste en ce moment -Le moine et le philosophe-, je suis donc en verve de métaphores !...)
Comme beaucoup de choses évidentes, on a souvent tendance à l'oublier.
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